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L’OPERA TRAGICO-BURLESQUE

L'EPOPEA DELL''ERASMUS, UN CORSARO DI CARAVAGGIO !

Chronique de KRISTIAN FRÉDRIC

27 septembre 2024



Images extraites du film La Marche sur Rome (La marcia su Roma) de Dino Risi


PARTIE 1


Ah, l'aube s'était levée sur Pavia avec une langueur toute italienne, mais notre équipe, elle, n'était pas tout à fait au rendez-vous avec la lumière. Nous avions encore l'esprit embrumé par les événements rocambolesques de la veille au théâtre, où la symphonie de Beethoven avait été littéralement sabotée par un volatile enragé, Roudoudou, le plus imprévisible des perroquets. Autour d’un petit déjeuner aussi réconfortant que copieux, nous tentions de recoller les morceaux de la soirée chaotique.

 

Nous étions attablés sur une petite place charmante, nichée dans le vieux Pavia. Les pavés, légèrement irréguliers, semblaient avoir traversé les siècles avec la même sérénité que ce petit café où l’on nous servait des olives gorgées de soleil, des tranches généreuses de parmesan aux éclats croquants, et un café noir, si intense qu’il semblait capable de réveiller Beethoven lui-même. L’air sentait le matin italien, ce parfum mêlé de fraîcheur et de gourmandise. Pourtant, dans nos regards encore troubles, une seule pensée dominait : Roudoudou.

 

« Oh! Avete sentito parlare dell’uccello ? » (Oh ! Vous avez entendu parler de l’oiseau ?) À peine avions-nous commencé à mordre dans notre festin que deux voisins de table, des pavianesi typiques, se penchèrent vers nous avec une familiarité désarmante. Ils semblaient tout à fait au courant des déboires orchestrés par notre ami à plumes. « Tutta la città ne parla, sapete, è una questione di stato. Ma non vi preoccupate, hanno chiamato i cacciatori della Lombardia.» (Toute la ville en parle, vous savez, c’est une affaire d’État. Mais ne vous inquiétez pas, ils ont appelé les chasseurs de Lombardie.) Là, nos tasses de café s'arrêtèrent à mi-chemin de nos lèvres. Les chasseurs de Lombardie ? Pour un perroquet ? La situation prenait des airs de tragédie grecque, sauf que nous étions bel et bien dans une comédie burlesque à l’italienne.

 

Leur explication nous plongea dans une sorte de stupeur joyeuse : en quelques heures, un ordre de réquisition s’était propagé dans toute la Lombardie, comme une traînée de poudre. Les chasseurs les plus robustes et les plus aguerris avaient été mobilisés, armés jusqu’aux dents, pour traquer le plus insaisissable des criminels à plumes. Et tandis que notre conversation touchait son apogée absurde, voilà qu'un véritable bataillon de chasseurs en armes traversa la place, leurs bottes frappant les pavés avec une précision militaire, scandant à pleins poumons des chants de guerre.

 

« Nella fattoria di Lombardia, c’era... un piccolo pappagallo ! » (Dans la ferme de Lombardie, il y avait… un p'tit perroquet !)Ah, mais ce n’étaient pas n’importe quels chants. Non, c’étaient des paroles improvisées, dignes d’un Claude Nougaro en pleine transe, qui reprenaient l’histoire de Roudoudou avec un lyrisme involontaire. Le chef du bataillon, une moustache digne d’un colonel de spaghetti western, donnait de la voix, tandis que ses hommes répétaient en chœur : « Nella città di Pavia, c’era... un gran brigante ! Volava, gridava, seminava il panico nei nostri cuori battenti !» (Dans la ville de Pavia, il y avait… un sacré brigand ! Il volait, il criait, il semait la panique dans nos cœurs battants !)

 

Nous étions là, éberlués par cette scène d’une absurdité sublime. Un bataillon entier, mobilisé pour un seul perroquet, et qui plus est, chantant sa légende à tue-tête. C’était une scène digne de Dino Risi, de ces grandes comédies italiennes où tout bascule dans un chaos jubilatoire. Et au milieu de ce délire musical, nous ne pouvions contenir nos éclats de rire, irrésistiblement entraînés par cette folie collective qui avait pris d’assaut Pavia. Un rire mêlé d'incrédulité et d’un certain soulagement, car au fond, cette histoire avait dépassé toutes nos attentes.

 

Voilà que la chasse à Roudoudou devenait une épopée nationale, une sorte de mini-révolution pavianese, et qui sait, peut-être qu’un jour, cela figurerait dans les livres d’histoire. « La Grande Caccia del Pappagallo, Pavia 2024» (La Grande Chasse du Perroquet, Pavia 2024). Ah, c’était un scénario à écrire pour un opéra tragico-burlesque !


 

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