CAP SUR LA MOSTRA - L'OPERA DES MERS ET DES MYSTERES
L'EPOPEA DELL''ERASMUS, UN CORSARO DI CARAVAGGIO !
Chronique de Kristian FREDRIC
1 septembre 2024
Photos Cité du Refuge III, une œuvre de Berlinde de Bruyckere
Hier, c’était notre grand retour de Milan et nos retrouvailles avec le maestro Daniele Callegari, après une semaine où nous avons fait connaissance avec la Lombardie, et surtout avec l’Opéra de Pavie. Notre rencontre avec le capitaine en chef, Francesco Nardelli, a permis de mettre en place les prochaines entrevues pour la fin septembre. Autant dire que l’aventure continue ! Mais aujourd’hui, nous avons jeté l’ancre à la Mostra di Venezia pour quelques jours. On nous a dit que c’était un rendez-vous à ne pas manquer, un peu comme le point de ralliement de tous les marins d’eau douce et d’eau salée qui rêvent d’histoires rocambolesques. L’opéra, l’ancêtre du cinéma, nous conduit donc naturellement ici, à ce festival où l’on célèbre les films comme des trésors enfouis sous les vagues du Grand Canal. Et moi, je suis prêt à plonger tête la première au milieu des rugissements del Leone di Venezia !
Ce soir, nous ferons notre première plongée dans les profondeurs du cinémascope. Mais, comme tout pirate qui se respecte, je me suis dit qu’avant d’affronter les sirènes du grand écran, il fallait partir en quête d’une île mystérieuse, où l’on pourrait trouver quelques reliques et pourquoi pas, une taverne digne de ce nom. Cela me rappelle une aventure d’il y a quelques années… Ah, la mer, ses dangers et ses mystères !
Nous naviguions sur des eaux troubles, à la poursuite d’une rumeur : une île perdue, où se trouvait un trésor inestimable. Mais ce n’était pas un trésor ordinaire, non. Il s’agissait d’une statue, un lion de pierre aux yeux perçants, gardien d’un secret aussi ancien que les premières cartes maritimes. Pour y arriver, il fallait traverser des tempêtes dignes des colères de Poséidon et déjouer les pièges tendus par des créatures mi-hommes mi- requins (et je ne parle pas de leurs dents aiguisées !). Après des jours de lutte acharnée, nous avons accosté sur l’île, épuisés mais déterminés. Et là, au cœur de la jungle, entouré de singes voleurs (oui, des singes voleurs de rhum !), se dressait le lion, majestueux, témoin silencieux de nos péripéties.
Mais revenons à Venezia ! Je consulte la carte, sous l’œil perplexe de Roudoudou, mon fidèle perroquet pirate. Depuis hier, le pauvre n’est toujours pas remis du « mal du rail » – cette malédiction terrestre qui l’a rendu aussi vert que son plumage. Chaque fois que le train prenait un virage, il se mettait à siffler des airs anciens, des chants de mineurs qui résonnent comme des échos d’un autre monde. Alors que mes pensées dérivent, je me concentre sur une île particulière : l’Isola di San Giorgio Maggiore.
Je longe le canal de cette île qui, jadis, fut offerte à un moine bénédictin en 982. Évidemment, qu’a-t-il fait ? Un monastère, bien sûr ! Et pas n’importe lequel. Ici, en 1117, le pape Alexandre III a fait une pause (peut-être pour souffler après une traversée agitée ?), et plusieurs Doges y ont trouvé leur dernier repos. C’est aussi sur cette île que Cosimo de’ Medici, en exil de Florence, a fondé une bibliothèque, une sorte de coffre au trésor pour esprits curieux. On pourrait presque croire qu’Umberto Eco a écrit ce chapitre de l’histoire.
Mais ce ne sont pas des livres empoisonnés que je consulte aujourd’hui. Non, je traverse l’Abbaye de San Giorgio Maggiore, et là, je tombe nez à nez avec la Cité du Refuge III, une œuvre de Berlinde de Bruyckere. Cette artiste belge a créé une immense installation, où dans la nef centrale et les bas-côtés, des sculptures d’archanges se dressent fièrement, comme des vigies sur un navire en perdition. Elles semblent dialoguer avec l’iconographie chrétienne tout en puisant dans les récits contemporains. C’est un choc, un uppercut en pleine poitrine. Ces archanges ne sont pas là pour protéger, mais pour rappeler la fragilité de l’humanité, à la manière des marins agrippés à leurs bateaux de fortune, traversant des mers déchaînées. Ils semblent nous dire : « Préparez-vous, un cataclysme approche ! »
Le titre de son exposition est inspiré d’une chanson de Nick Cave, City of Refuge. Je me souviens de cette chanson que j’ai apprise à siffler à Roudoudou lors d’une traversée chaotique où j’avais échappé de justesse aux démons des mers. En regardant ces sculptures, je ne peux m’empêcher de fredonner les paroles :
"You better run to the City of RefugeYou stand before your makerIn a state of shameBecause your robes are covered in mudWhile your kneel at the feetOf a woman of the streetThe gutters will run with bloodThey will run with blood!You better run, you better runYou better run to the City of Refuge."
Je navigue entre les pages d’Umberto Eco et les pellicules de Wim Wenders. Où sont mes ailes ? Peu importe, l’aventure est ici, dans chaque pierre de cette île, dans chaque reflet du canal. Mais avant d’affronter de nouveaux mystères, une halte s’impose : direction la première taverne de l’île … !
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